Les risques d’un investissement LMNP ou Censi-Bouvard: les identifier

Lorsqu’on parle d’investissement immobilier, voilà ce qu’on entend de la bouche de conseillers en défiscalisation et en gestion de patrimoine, pour répondre par anticipation aux accusations globales dont leur profession est la cible:

« L’investissement immobilier locatif en LMNP, ou surtout Censi-Bouvard depuis 2009, est extrèmement avantageux pour les investisseurs. Mais comme tout investissement, il comporte des risques. A chacun de prendre ses précautions pour faire le bon choix. »

Lorsqu’ils donnent quelques précisions (parfois seulement, car souvent les recommandations s’arrêtent là), c’est au moins celles-ci:

1) vérifiez l’emplacement

- par exemple, « n’achetez pas en résidence étudiante dans une ville non universitaire » : çà, je sais faire, merci quand même pour le conseil (venant d’un conseiller en patrimoine, authentique!).

Etudiez le marché locatif :

  • OK en étudiant,
  • moins facile en tourisme ou affaire,
  • pas évident du tout de l’estimer soi-même quand on achète en senior ou en EHPAD.

Exemple vu récemment sur le forum de cbanque: un EHPAD situé dans un village de 1200 habitants, à 1h08 (référence viamichelin) ou 20 mn (référence vendeur, probablement possesseur d’un hélicoptère)) de la ville la plus proche par une route départementale, est-il un endroit où des familles souhaiteront placer leurs aînés, pour ne jamais pouvoir leur rendre visite ensuite ?

2) vérifiez la solidité du gestionnaire

sur quel critères ? La renommée et le sérieux autoproclamés ?

« … et surtout ne quittez pas le site sans avoir rempli le formulaire d’étude personnalisée : dans les jours qui suivent vous seront proposées les meilleures affaires en parfaite adéquation avec vos besoins en défiscalisation. »

Parler de risques pour un conseiller est devenu une technique de marketing pour gagner la confiance du gogo (c’est ce que fait actuellement mon ex- »conseiller », grand groupe spécialisé, qui passe pour un « chevalier blanc » pour attirer de futurs acquéreurs, après avoir laissé tomber ses anciens clients et « amis », ruinés par un de ses programmes).

Nous avons tous entendu parler d’affaires qui ont mal tourné. Développer ces scandales sur son site professionnel est une preuve de sérieux : « Nous, nous ne sommes pas comme ça. En faisant contracter aux investisseurs plusieurs crédits auprès d’établissements bancaires différents, on peut les conduire à la ruine. Ap…lonia, ouh  ouh! »

Non, eux, ils utilisent des méthodes plus discrètes et plus difficiles à confondre.

Le prix de vente doit être dans le prix du marché, ou légèrement au-dessus s’il s’agit d’une résidence de standing, ou avec des équipements particuliers.

Ne pas croire aveuglément le vendeur, oublier les bonnes manières au risque de le vexer (risque négligeable pour lui par rapport à celui qu’il est prêt à nous faire prendre, quoique, perdre sa commission…) et aller voir sur place la qualité de la construction. Et une fois sur place, de toutes façons, comment se rendre compte d’éventuelles malfaçons à venir ? On peut juste se rassurer en voyant que ça sort de terre.

Pour estimer le prix de vente, la récupération de la TVA n’a pas à entrer en ligne de compte: pourquoi un promoteur, professionnel toujours soumis à TVA quel que soit le statut des acheteurs, vendrait un bien 20% plus cher à des acheteurs qui ont la possibilité de récupérer la TVA ? Si on récupère la TVA, c’est dans un contexte global d’assujetissement à la TVA : nous la récupérons à l’achat (acquise définitivement au bout de 20 ans d’exploitation avec un gestionnaire), mais nous toucherons des loyers HT.

Le revenu promis par le bail commercial doit s’appuyer sur le montant du loyer + services que va payer l’occupant de l’appartement, diminué des charges d’exploitation(faibles pour une résidence étudiante, très élevées pour un EHPAD ou résidence médicalisée, surtout en raison du personnel nécessaire 24h/24 et des normes exigées).

Donc il faut se renseigner sur le montant de ce loyer, en tenant compte des services habituellement offerts pour chaque type de résidence (vérifier que les équipements nécessaires à ces services soient bien présents).

Le taux d’occupation de la résidence, peut être

  • élevé en EHPAD,
  • sujet à des variations saisonnières et aléatoire en résidence de tourisme,
  • maximal seulement 9 mois sur 12 en résidence étudiante.

Certes, il y a mutualisation du risque et sécurité par rapport à des loyers impayés ou une vacance du logement, mais si le taux d’occupation est faible, il faut en tenir compte dans l’estimation de la rentabilité de l’exploitation pour le gestionnaire.

La localisation conditionne également le taux d’occupation et les loyers payés par les locataires.

Le sérieux du gestionnaire est le point sur lequel nous pouvons difficilement porter un jugement.

Les gestionnaires de résidences de tourisme sont régulièrement mis à mal par les forums, et de récents scandales ont dû leur faire globalement du tort.

De nombreux investisseurs ont voulu profiter des avantages offerts en zones rurales de montagne (Demessine). On voit des appartements en résidence de tourisme être bradés en cette fin d’année 2010 car l’offre est importante et les vendeurs brandissent les avantages du Censi-Bouvard. Par exemple, certains appartements en montagne sont vendus avec une rentabilité annoncée de 6,2% répartie environ comme suit: 4% issus de la location et 2,2% en nature (le propriétaire pourra-t-il l’occuper pendant les vacances scolaires ?). Il est urgent de tout vendre avant le début de la saison hivernale.

En résidence étudiante, certains gestionnaires font croire à un taux d’occupation régulier toute l’année car ils font signer des baux de 1 an à leurs locataires. Il ne faut pas oublier qu’en location meublée, un locataire peut quitter son logement à tout moment à condition de respecter un préavis d’un mois.

Par contre, en résidence senior et encore plus en EHPAD, les gestionnaires semblent protégés de la rumeur par une auréole de respectabilité, de par leur mission envers nos aînés et l’encadrement de l’Etat.

Encore un exemple : Un gestionnaire d’EHPAD très réputé reprend en 2009 les baux d’un établissement ouvert en 2007, après que le premier gestionnaire (le mien !, également promoteur; il n’a vraiment pas de chance…) se soit mis en difficultés selon la méthode expliquée dans un article précédent (La rentabilité promise est mathématiquement impossible à atteindre). A cette occasion, ce gestionnaire très réputé arrose tous les sites internet d’information spécialisée du même communiqué de presse, contrôlant ainsi complètement la communication sur cet évènement. Il se flatte largement au passage (palmarès, chiffres, compétences, etc…), mais ne dit surtout pas qu’il a fait signer un avenant au bail de -30% à ses propriétaires, ça ferait désordre dans sa réputation. Et il est malvenu de parler d’argent lorsqu’on oeuvre pour le bien public.

Donc identifier un investissement immobilier locatif avec gestionnaire à risque, sauf dans certains cas évidents qui ne sont pas la majorité, revient approximativement à évaluer la probabilité de tomber sur la balle à la roulette russe. Malheureusement, si l’on perd à ce jeu, la même métaphore est applicable en ce qui concerne le résultat.